(13 décembre 2002)
Après avoir subi un cinglant échec lors de la tentative de coup d'Etat du 11 avril 2002 contre le président Hugo Chávez, l'opposition vénézuélienne, minorité électorale emmenée par l'organisation patronale Fedecamaras, la bureaucratie syndicale de la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV) et un ensemble de partis traditionnels et d'organisations regroupés au sein de la Coordination démocratique, s'est lancée dans une nouvelle tentative de déstabilisation. Par de nombreux traits, celle-ci rappelle la stratégie qui, au Chili, au début des années 1970, a préparé le renversement de Salvador Allende. Si la grève générale d'abord « illimitée », puis « irréversible », lancée le 2 décembre par ses dirigeants - le patronat ayant promis de payer les jours de grève ! - n'a été que partiellement suivie et s'effiloche au fil des jours, on a vu réapparaître tous les ingrédients du scénario qui a présidé au golpe d'avril :
* appels au soulèvement civil et militaire lancé depuis la « zone libérée » de la place Altamira (quartiers chics de Caracas) par un groupe d'officiers ayant participé à la tentative de coup d'Etat du 11 avril ;
* exacerbation des tensions par un appareil médiatique transformé en machine de propagande et relayant, dix-huit heures par jour, en continu, les thèses de l'opposition et appelant ouvertement au renversement du président légitime ;
* création de conditions propices à des actes de violence fournissant un prétexte pour faire appel à la communauté internationale afin de « mettre un terme au chaos ». Une fusillade aux circonstances encore non éclaircies a fait trois morts et 20 blessés dans les rangs de l'opposition, le 12 décembre, lorsqu'un individu, qui a été arrêté, a tiré dans la foule, place Altamira. Le hasard faisant bien les choses, le drame a eu lieu au moment précis où l'un des dirigeants de l'opposition, M. Carlos Ortega, s'exprimait en direct à la télévision, ce qui lui permis d'immédiatement qualifier d'« assassin » le président, accusé d'être le commanditaire du crime. Sans enquête ni recul d'aucune sorte, l'accusation a été reprise par l'ensemble des médias privés ;
* utilisation des victimes de ce « massacre d'Altamira » pour lancer l'opération « déstabilisation économique » en paralysant - à travers ses cadres supérieurs, technocratie des « généraux du pétrole » favorables à sa privatisation - le c¦ur économique du pays, la compagnie pétrolière d'Etat PDVSA.
Cette dernière mesure a payé. L'arrêt de la production a frappé de plein fouet la capacité d'exportation, provoquant des pertes estimées à 50 millions de dollars par jour et interrompant les livraisons de PDVSA, en particulier aux Etats-Unis. Dans le contexte de l'« avant-guerre » en Irak, cette défaillance d'un de ses principaux fournisseurs offre un prétexte à Washington pour augmenter la pression - y compris à travers le secrétaire général de l'Organisation des Etats américains (OEA), M. César Gaviria, présent à Caracas pour y promouvoir le dialogue - pour l'organisation immédiate d'élections, hors du cadre constitutionnel. Plus radicale encore, l'opposition exige « la démission » du président en exercice. Il est vrai qu'en l'état actuel des rapports de force, elle perdrait vraisemblablement ces élections - à moins d'en interdire la participation à M. Chávez, conception très particulière de la démocratie !
Pour preuve, l'évolution, ces derniers jours, de la situation. Depuis le 11 décembre, excédée par la propagande haineuse que distillent les médias privés, les partisans du président se massent régulièrement et pacifiquement, au cri de « Dites la vérité ! », autour des sièges des chaînes de télévision et des quotidiens. Chaque jour les défenseurs de la légalité démocratique prennent la rue et affirment leur présence en nombre plus important. Aidé par cette mobilisation populaire et les forces armées (épurées de leurs officiers factieux après le 11 avril), le pouvoir semble peu à peu reprendre - ne serait-ce que partiellement à ce jour - le contrôle de PDVSA.
Le gouvernement vénézuélien a reçu, ces derniers jours, de nombreux messages de soutien : Groupe des Verts/ALE et Gauche unitaire européenne-Gauche verte nordique au Parlement européen ; 16 membres de la Chambre des représentants américains, 39 ONG et environ 200 personnalités - également américaines -, qui demandent au président George W. Bush l'appui de Washington aux gouvernements démocratiquement élus ; les syndicats du pétrole argentins ; la Centrale syndicale unique d'Uruguay ; l'Union syndicale ouvrière de l'industrie du pétrole (USO) colombienne ; la Centrale unitaire des travailleurs du Chili (CUT) ; la Conférence des pays exportateurs de pétrole (OPEP) ; etc.
Pour des raisons de sécurité, le gouvernement des Etats-Unis a autorisé une partie de son personnel diplomatique à quitter le Venezuela. L'opposition ayant besoin de « victimes », comme le 11 avril dernier (lire Dans les laboratoires du mensonge au Venezuela), provocations et auto-attentats risquent d'assombrir le proche futur. Car du dénouement de cette bataille à forte odeur de pétrole dépend l'avenir du Venezuela. Et des réformes sociales dont ce pays a d'urgence besoin.
MAURICE LEMOINE.
<Maurice.Lemoine at Monde-diplomatique.fr>
http://www.monde-diplomatique.fr/dossiers/venezuela/ -- Yoshie
* Calendar of Events in Columbus: <http://www.osu.edu/students/sif/calendar.html> * Anti-War Activist Resources: <http://www.osu.edu/students/sif/activist.html> * Student International Forum: <http://www.osu.edu/students/sif/> * Committee for Justice in Palestine: <http://www.osu.edu/students/CJP/>