Rugova in Le Monde (in French)

Jean Christophe Helary helary at eskimo.com
Tue May 11 23:36:21 PDT 1999


Interview by Le Monde : http://www.lemonde.fr/actu/international/exyougo/kosovo/articles/990512/0301 .htm

"...I never said I was opposed to the bommbings, all this is propaganda...", "...Serbs have announced they would start to withdraw forces from Kosovo but they announced it also in the past...", "...there was a UN resolution last year and Naot'intervention is based on that...", "I talk about 'self-government' because I don't like the word 'autonomy'..." etc...

« Je n'ai jamais dit que j'étais contre les bombardements. C'est de la propagande » Ibrahim Rugova, président de la Ligue démocratique du Kosovo ROME de notre correspondant Michel Bôle-Richard

Ibrahim Rugova a été reçu, lundi 10 mai, au Vatican par le pape Jean Paul II, auquel il a exposé la situation de son pays. Au cours de l'après-midi, il a également fait part, devant la commission des affaires extérieures, de la façon dont il envisageait la suite de son combat pacifique pour l'avenir du Kosovo. Dans un court entretien accordé au Monde, au New York Times ainsi qu'à La Stampa et au Corriere della Sera, il s'est clairement prononcé pour une indépendance à court terme de son pays. Dans la soirée, Ibrahim Rugova a participé à une prière à Santa Maria del Trastevere organisée par la communauté de Sant'Egidio, à laquelle il a rendu hommage pour le rôle joué dans sa libération et pour le rétablissement de la paix au Kosovo.

« Belgrade a annoncé lundi après-midi que les troupes commençaient à être retirées du Kosovo. Est-ce pour vous une nouvelle importante ?

­ Vous savez que je demande en priorité l'installation d'une force internationale, de l'OTAN, de la Russie, pour contrôler le retrait des forces serbes. Les Serbes ont déjà dit qu'ils allaient retirer partiellement leurs forces, mais il n'y a eu aucune autorité internationale qui ait pu vérifier et contrôler si c'était vrai ou non.

­ Estimez-vous que cela peut-être un point de départ intéressant pour le rétablissement de la paix au Kosovo ?

­ Si c'est vrai oui, mais il faut le vérifier. Les Serbes ont déjà par le passé annoncé le retrait de leurs forces même dix jours après le début des bombardements. C'est pourquoi je demande une présence internationale qui garantisse le retour des réfugiés. C'est ce à quoi je vais travailler.

­ Mais comment, selon vous, peut se créer une force internationale ? Par qui la décision doit-elle être prise ?

­ Qu'elle soit prise par l'ONU ou une autre institution, Belgrade doit accepter cette décision. Il ne faut pas oublier qu'il y a déjà eu une résolution de l'ONU l'an dernier. L'OTAN est intervenu muni de cette autorisation. Je ne vais pas maintenant refaire l'histoire : L'ONU a décidé et c'est l'OTAN qui doit en assurer l'exécution. C'est dans les accords de Rambouillet.

­ Le président Clinton a proposé, la semaine dernière, d'envoyer des troupes russes et ukrainiennes au nord du Kosovo et des troupes de l'OTAN dans l'autre partie. Est-ce que vous pensez que c'est une bonne idée ?

­ Il a proposé de suivre le modèle de la Bosnie, mais je n'ai pas eu le temps de voir exactement ce qu'il en était. Je suis en faveur d'un contingent international qui puisse démilitariser le Kosovo et y rétablir la sécurité. Mais je ne vais pas entrer dans le détail parce que je sors d'une situation difficile, et mon message est avant tout : l'installation d'une force internationale et le retour des réfugiés, sinon ce sera un pays vide. Si tous ceux qui sont dans les camps de Macédoine, d'Albanie se dispersent vers d'autres pays, il sera très difficile de créer les conditions du retour des réfugiés. Ce sera un processus très long, très dur. Nous avons des expériences de cela. Les réfugiés de Bosnie et de Croatie ne sont jamais retournés et des Kosovars sont en exil depuis 1991. Une centaine de mille en Allemagne, mais aussi en Suisse et dans d'autres pays européens, qui ne sont jamais revenus. C'est pour cela que je suis sorti de Pristina. Pour délivrer ce message politique et humain.

­ Pouvez-vous nous préciser les raisons de votre rencontre avec Slobodan Milosevic et nous expliquer pourquoi vous vous êtes prononcé contre les bombardements de l'OTAN ?

­ Tout cela est de la propagande. Je vivais dans ma maison de Pristina. Je disais : ŒIl faut retirer les forces serbes, accepter la présence internationale et arrêter les bombardements.¹ Il y a eu de la propagande du côté serbe et du côté albanais aussi, malheureusement. Je n'ai jamais dit que j'étais contre les bombardements, c'est faux. Encore une fois, c'est de la propagande.

­ Etes-vous pour la continuation des bombardements ?

­ Belgrade doit accepter les conditions internationales, les cinq conditions, celles de l'OTAN, de l'ONU, du G 8 et en premier lieu la présence internationale. Tous mes amis en Occident connaissent mes positions. Je suis sorti pour faire quelque chose : faire rentrer les réfugiés dans leur pays. Voilà !

­ Quelle est votre représentativité actuellement ? L'UCK vous critique et dit même que vous êtes devenu l'ami de Milosevic.

­ Ma deuxième tâche est de réorganiser la vie politique et de reconstruire les institutions. Malheureusement, tous mes collaborateurs, tous les leaders politiques sont maintenant à l'étranger. Je veux aussi rapprocher les gens de l'UCK avec les autres. A Rambouillet, j'ai fait tout ce qui était nécessaire à ce rapprochement. Tout ce qui se dit est propagande. Ce n'est pas sérieux. Il est tragique aujourd'hui de parler comme cela alors que plus d'un million de Kosovars sont à l'étranger. C'est un manque de bon sens. Il faut se concentrer sur le retour des réfugiés et ne pas faire de polémiques.

­ Pourquoi n'avez-vous pas encore visité les camps ?

­ J'ai été élu deux fois représentant des Kosovars. Je les représente tous et je vais travailler pour les rapprocher. Je ne suis en Italie que depuis quelques jours. J'ai eu beaucoup de contacts nécessaires avec le gouvernement italien et j'ai des invitations d'autres pays. Je suis venu pour travailler concrètement et je me rendrai dans les camps prochainement. En attendant, je vais aller dans les capitales européennes après six semaines passées dans une ville fantôme, seul avec les animaux qui sont venus près de ma maison pour voir un être humain. Des chiens, des chats, des vaches qui avaient besoin de rencontrer un être humain.

­ Aujourd'hui vous avez parlé d'autonomie, d'indépendance, de trois années de transition et d'un référendum, quel est ce schéma par rapport aux accords de Rambouillet et comment pensez-vous le faire accepter aux Serbes ?

­ Tout cela a été réglé par les accords de Rambouillet. Je parle d'autogouvernement ou de self-government, car je n'aime pas le mot d'autonomie, statut qui avait été mis sur pied avec l'ex-Yougoslavie. Ensuite, après une période de trois ans, la communauté internationale doit décider d'un référendum ou d'une forme de consultation. C'était une formule légère, mais les Serbes ont dit non. Mais je le dis encore aujourd'hui, la meilleure chose c'est l'indépendance. Nous avions pensé que pendant ces trois ans nous allions créer les structures politiques, économiques, culturelles pour tous au Kosovo. Nous avions donné des droits spéciaux aux Serbes du Kosovo ainsi qu'une présence internationale de l'OTAN qui a été mal comprise. Nous avions espéré que les Serbes allaient changer, que la situation allait se calmer. On leur a donné une chance mais désormais nous sommes dans une nouvelle situation.

» Rambouillet est une bonne base. On peut travailler à partir de là. Mais d'abord il faut une force internationale pour assurer la sécurité du retour des réfugiés. »



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