Jean-Christophe
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> Date: 15 septembre 2006 18:44:17 HNJ
> To: Assawra <assawra at yahoogroupes.fr>
> Subject: [assawra] Nahla Chahal: "La victoire du Hezbollah marque
> le déclin d'Israël"
> Reply-To: assawra at yahoogroupes.fr
>
> « La victoire du Hezbollah a marqué le début du déclin d´Israël »
>
> Interview Nahla Chahal, coordinatrice des missions civiles en
> Palestine CCIPPP et chercheur à Paris.
>
> Interview par Chris Den Hond (La Gauche, Belgique) et Nicolas
> Qualander (Rouge, France)
>
> Nahla Chahal est coordinatrice des Campagnes civiles
> internationales pour la protection du peuple palestinien (CCIPPP).
> Elle fut l´une des dirigeantes, au cours des années 70, de l
> ´Organisation d´action communiste du Liban (OACL). De retour du
> Liban, où elle a passé plus d´un mois pendant l´offensive
> israélienne, elle raconte et analyse ces événements.
>
> --- Quel est l´effet de la guerre sur le peuple libanais ?
>
> On a vécu au Liban un moment extrêmement intense. Pourquoi? Moi, j
> ´ai ouvert mes yeux, j´ai eu une conscience politique après la
> défaite en 1967. J´ai vu devant moi mon père, un militant
> communiste libanais, et ma mère, une militante communiste
> irakienne, s´effondrer en 1967. Mon père a même fait un infarctus à
> cause de la défaite. Les régimes arabes à l´époque avaient essayé
> de minimiser en disant que c´était une petite défaite. Mais pour
> nous, c´était la fin de toute une époque où toute une région était
> en train de se réaliser. Dans notre conscience de nationalistes
> arabes ou de communistes, Israël était là pour empêcher que le
> monde arabe puisse se réaliser en tant qu´entité, en tant que force
> régionale ou en tant que société. Ensuite, il y a eu tout un déclin
> de la région arabe. On disait : « On ne peut pas résister à Israël.
> C´est impossible». Ca dure depuis 40 ans maintenant. Moi, je
> considère que j´ai eu la grande chance d´avoir vu une preuve qu
> ´Israël et l´hégémonie d´Israël et la suprématie d´Israël n´étaient
> pas un destin indéniable. Israël est maintenant entré dans une
> logique de « soit nous, soit eux ». Je suis consciente que ce qu´on
> a vécu n´est qu´une petite lueur, mais elle a prouvé qu´on peut
> avec la force d´une petite milice, la milice du Hezbollah, une
> souris, affronter un éléphant. Les dix premiers jours, il y avait
> une énorme panique. Mais soudain, quand les Israéliens n´ont pas pu
> avancer, les gens ont accepté de payer le prix. Ca, c´est historique.
>
> --- Le but israélien et américain était de diviser la population
> libanaise. Pourquoi elle n´a pas réussi ?
>
> Elle est déjà divisée. Si quelqu´un vous dit que toute la
> population libanaise a fait le choix de la résistance, c´est faux.
> Une grande partie de la population libanaise aime bien la
> résistance, mais n´est pas prête à payer le prix. Elle a fait un
> choix, elle a rejoint le camp de ce que j´appellerais le camp
> néolibéral dans le sens économique avant tout : s´amuser, se
> concentrer sur soi. Certains ont même dit : Le Hezbollah aurait dû
> attendre l´hiver, ainsi on n´aurait pas raté l´été sur la plage.
>
> Le plan israélo-américain était de faire bouger une partie de la
> population libanaise contre le Hezbollah. Cela aurait pu arriver si
> le Hezbollah et les partis qui sont avec le Hezbollah - le
> Hezbollah est loin d´être seul dans la résistance - n´avait pas eu
> la capacité de résister.
>
> --- Quel est ton jugement sur la résistance militaire du Hezbollah ?
>
> Il y a eu quelque chose qu´on n´a pas vu depuis très longtemps dans
> cette partie du monde. Les combattants du Hezbollah se sont battus
> avec la conviction. On n´avait jamais vu 34 Merkavas (tanks
> israéliens) détruits en une seule journée. Jamais! Aucune armée
> arabe n´a pu faire cet exploit. Le Hezbollah est vraiment très bien
> organisés. Mais ce qui est le plus important, c´est que très vite,
> la population, la base sociale du Hezbollah s´est alignée sur leurs
> combattants. Ils ont pris soin des combattants. Ensuite il y a eu
> les discours de Hassan Nasrallah. Il est intervenu quatre fois et
> je crois que ce sont des pièces maîtresses à étudier dans la
> science politique. Tout le monde savait que son deuxième fils était
> dans les combats (son premier fils est mort en combat, ndlr). Les
> fils de tous les chefs du Hezbollah étaient dans les combats, le
> fils de Cheikh Naim Hassem - le numéro deux de Hezbollah- a été
> très grièvement blessé, donc la population a compris de quoi il s
> ´agissait.
>
> --- Quelles sont les répercussions plus générales sur la région ?
>
> Les Arabes attendaient, avec une angoisse qui leur serrait le
> coeur. Nous avons reçu beaucoup de délégations au Liban, des
> délégations arabes. Ils nous ont raconté que les Arabes avaient le
> coeur serré pendant les 4 premiers jours, parce qu´ils s
> ´attendaient à la défaite. Au-delà du 10ème jour, les Arabes n´en
> ont pas cru leurs yeux. Ca commence à faire tâche d´huile. Vous
> savez qu´il y a un malaise énorme en Egypte et dans l´armée
> égyptienne. Aussi dans l´armée syrienne. Les gens disent : comment
> ça se fait que le Hezbollah est capable de faire cela ? Et nous ? Qu
> ´est-ce qu´on fait ? Historiquement la bataille du Hezbollah a
> marqué le début du déclin d´Israël, la fin d´Israël qui terrorise l
> ´ensemble de la région. Même si Israël recommence, il y a dans la
> mémoire ce phénomène qui s´est produit. Je pense que beaucoup d
> ´Israéliens sont conscients de cela, notamment nos amis israéliens
> anticolonialistes.
>
> --- Est-ce que la gauche peut travailler avec des groupes comme le
> Hezbollah et le Hamas, que certains dans la gauche qualifient même
> comme des islamistes intégristes fascistes ? Et si oui, quel type d
> ´alliance est possible ou souhaitable?
>
> Je pars de la position du parti communiste libanais, le PCL. Ce
> parti communiste libanais est quand même un des partis les plus
> anciens et les plus sérieux dans la région et aussi les plus
> influents. Le PCL travaille main dans la main avec le Hezbollah. C
> ´est une alliance critique à l´égard du Hezbollah. Le PCL dit
> ouvertement au Hezbollah : « Là tu t´es trompé ». Après 2000, le
> PCL a considéré que le Hezbollah avait gaspillé la victoire, parce
> que dans la politique interne libanaise, le Hezbollah s´est allié à
> ses ennemis, à ceux qui étaient contre la libération, la
> bourgeoisie néolibérale.
>
> Je fais une différence dans les mouvements islamistes. Comme chez
> les communistes et les gens de la gauche, les mouvements islamistes
> ne sont pas les mêmes. Il n´y a aucun lien de parenté entre Ben
> Laden et le Hezbollah, aucun ! C´est comme dans les mouvements de
> gauche. Quel rapport est-ce que nous avons avec le Khmers rouges?
> Pour moi ce sont des fascistes. Il y a des fascistes chez les
> islamistes comme chez des gens de gauche, mais il y a aussi des
> gens libérés, progressistes. Je ne fais pas l´éloge du Hezbollah.
> Je connais les points de faiblesse. Le Hezbollah n´est pas encore
> assez conscient qu´il est un mouvement de théologie de la
> libération. Mais c´est le seul mouvement islamiste qui vient dans
> les forums sociaux mondiaux et européens. Depuis 2003, il envoie
> régulièrement des gens pour y participer. Il y a une alliance
> pratique et politique entre le Hezbollah et le Parti communiste
> libanais et le Parti du peuple - qui est un parti nationaliste de
> gauche. Ils se voient régulièrement et ne dissimulent pas les
> points de divergence. Le PCL par exemple reproche au Hezbollah de n
> ´avoir jamais participé à des manifestations de revendication
> sociale, alors que sa base est une base composée de pauvres, de
> paysans, d´ouvriers et de la classe petite-bourgeoise défavorisée
> au Liban. Le Hezbollah dit parfois : « Vous avez raison, on n´était
> pas assez conscient de cela ». Il faut comprendre le Hezbollah
> comme un phénomène jeune, qui évolue beaucoup, qui écoute. C´est
> très important. C´est aussi un mouvement qui est libéré des dogmes
> hérités. Leur capacité à travailler avec les communistes est pour
> moi une forte indication de cela.